Un film d’animation japonais est toujours un événement lorsqu’il arrive dans nos salles ! Surtout si celui-ci est exceptionnel…
L’île de Giovanni nous raconte une histoire vraie, ce qui est finalement rare dans l’animation japonaise. Bien sûr, nous pourrions nous rappeler du Tombeau des lucioles d’Isao Takahata, qui revenait également sur la guerre et le point de vue de l’enfant. Les deux films ont d’ailleurs quelques similitudes. Mais ne vous y trompez pas, ils sont extrêmement différents. En effet, le studio Ghibli a imposé sa pâte graphique récurrente dans la quasi-totalité des œuvres qu’il a produit. Dans le cas de Production IG, tout dépend des techniciens qui officient sur les séries et les long métrages. Cependant, l’aspect numérique est toujours mis en avant depuis que Patlabor 2 et Ghost in the shell ont été produits.
Nishikubo Mizuo réalise donc un film d’une majestueuse poésie. Le spectateur assimile parfaitement ce récit biographique qui oscille toujours entre imaginaire et drame humain. Le réalisateur n’en était pas à son premier coup d’essai au sein du studio. Après avoir travaillé sur plusieurs séries, films et OAVs pour différents studios, il a participé à bon nombre de projets importants. Mais on pouvait tout de même s’attendre au pire après un Musashi : The Dream of the Last Samurai, un film-arnaque qu’il avait réalisé en 2009 (Notons que Mamoru Oshii, le réalisateur de Ghost in the shell et pilier du studio, était le scénariste, soit le co-arnaqueur).
Mais pour l’île de Giovanni, la donne change ici car le matériau originel est solide.
L’histoire vraie, témoin d’un choc.
L’occupation Russe au Japon d’après-guerre reste très peu exploitée au cinéma. C’est une bonne manière de voir que la procédure fût bien différente de celle employée par les américains. Aussi, l’aspect humain est mis en avant, chaque personnage porte fièrement son pays dans son cœur et ia sa manière de l’inculquer aux enfants.
Le film est un pur moment d’histoire et de civisme. L’aspect humain est mis en avant au point que chaque personnage porte fièrement son pays dans son cœur et à sa manière. Mais ce qui est vraiment frappant, c’est le portrait des japonais. Leur passivité, due à l’occupation, contraste avec cette fierté légendaire qui leur ferait faire des folies. Deux personnages sont alors importants, deux exemples pour cette jeune génération : le père, un soldat extrêmement rigide, et l’oncle, un civil porté sur la décontraction. Tous deux se battent à leur manière pour sauver leurs valeurs.
Les personnages sont fouillés et leur authenticité est très touchante. On sort clairement du cliché de l’occupant et de l’occupé pour se concentrer sur un choc des cultures. Ainsi, le Russe n’a pas sa part de « monstre » qu’il pourrait véhiculer en s’imposant fièrement au pays du Soleil-Levant. Et tout ça, c’est grâce au regard particulier que l’enfant pose sur le monde…
L’histoire vraie, témoin de l’innocence
Se mettre du point de vue de l’enfant, pur et naïf, est toujours sensibilisant. Les jeunes sont ici happés par la guerre et ses conséquences. Deux frères doivent faire face au sort les forçant à grandir trop vite. Cette formule a fait ses preuves, que ce soit dans le Tombeau des Lucioles, les deux films de Gen D’Hiroshima, ou même la série L’autre monde. L’horreur est toujours plus prenante lorsque que l’innocence y est confrontée. En contrepartie, cette dernière peut aussi offrir des moments de rêverie plus qu’indispensables. Dans L’île de Giovanni, ces enfants gardent en eux l’espoir. Ils ne se doutent ni se méfient de rien. Cette absence de barrière nous permet donc d’intégrer un foyer « ennemi » grâce à une idylle très douce. L’ainé de la famille japonaise s’éprend de la fille unique d’une famille russe qui occupe sa maison.
Visuellement, le film arrive a se démarquer en proposant des décors atypiques à l’aide de formes plus simples aux textures rappelant des livres pour enfants, le tout aidé par des images de synthèse parfaitement incrustées. En plus d’être un détail délicat rappelant l’univers féerique de l’enfance, c’est aussi une pure prouesse technique qui reviendra surement dans des films à venir. Pour ce qui est du design des personnages, c’est autre chose. A trop vouloir simplifier les visages, le film arrive souvent à enlaidir la beauté. Je m’explique : Cette jeune russe, qui devrait être magnifiée par le héros, est assez repoussante. Soyons franc, le travail d’Itou Nobutake, à la mode ces derniers temps, convient principalement à des réalisateurs comme Yuasa Masaaki (Ping Pong, The Tatami Galaxy) qui partent régulièrement dans l’excentricité. C’est vraiment navrant au vu de la qualité globale du film. L’animation est très fluide et la mise en scène capte sans cesse notre soif de connaissance et arrive habilement à jouer avec nos émotions.
Ne vous attendez pas à un oeuvre choc ni à un film dominé par l’action. Sachez juste que vous en sortirez émerveillé, déchiré et revitalisé. Une petite perle qui n’a l’ambition que de partager un moment fort avec des personnages forts.
Philippe Bunel
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L’île de Giovanni (2014)
Réalisé par Nishikubo Mizuho.
Distribution : Eurozoom