Critique – La Belle et la Bête

Critique – La Belle et la Bête

Attendu ou redouté, La Belle et la Bête sort ce mercredi dans les salles ! Un grand blockbuster « à la française » qui a mis les moyens pour essayer de renouveler l’un des contes les plus célèbres du monde.

La Belle et la bête était l’un des films que j’attendais le plus en ce début d’année. Pas forcément pour le conte, qui a déjà été superbement adapté par Disney et Cocteau, mais plus pour son réalisateur Christophe Gans qui revient après un long hiatus de 8 ans sans films.  – Silent Hill remontant quand même à 2006  ! – Il faut dire que l’ancien rédacteur de Starfix a  joué de malchances avec plusieurs projets avortés, pourtant très « très » prometteurs, comme un Fantomas 3D, ou les adaptations de Bob Maurane et de Rahan ! Des projets qui, il faut bien l’avouer, étaient bien plus excitant sur le papier que cette énième adaptation ! Mais bon, passons …


Christophe Gans a beau être idolâtré pour son travail sur Starfix et HK, sa filmographie fait beaucoup moins rêver.  Personnellement,  je l’ai toujours défendu.  Car même si son court métrage Necronomicon, ou son film Crying Freeman sont aux mieux des œuvres maladroites,  Le Pacte des Loups avait eu le mérite de foutre un grand coup de pied au cinéma de genre hexagonal ! Un one shot gonzo qui assumait son coté nawak,  et qui fut l’un des rares film français de genre, si ce n’est le seul, a avoir vraiment remporté un succès public. Quant à Silent Hill, c’est sûrement l’une des adaptations les plus honorables d’un jeu vidéo au cinéma, d’ailleurs La Belle et la Bête ne manque pas d’y faire souvent référence notamment via les flashbacks.

Ce qui était vraiment agréable, c’est qu’à chaque nouveau projet, on avait l’impression que Gans s’affirmait de plus en plus comme un réalisateur à suivre.  Hélas, La Belle et la bête,  même si il n’est pas entièrement raté, est un petit pas en arrière dans sa carrière.

Bon, on va pas jouer plus longtemps le suspens. La Belle et la Bête version 2014 est loin d’être une réussite. Hélas, car malgré sa tenue visuelle exceptionnelle, et je pèse mes mots, le métrage pâtît d’un scénario approximatif qui n’a de cesse de faire tourner en rond son intrigue. Clairement, on se demande si Christophe Gans s’intéresse vraiment à son histoire, et même s’il n’a pas choisit le projet à défaut ou par nécessité de filmer.  En témoigne la mis en chantier très rapide de la production.

Car même si on comprend qu’un film de cette envergure ait besoin de plaire à tout le monde, attirant enfants et seniors, difficile de ne pas grincer des dents devant certaines séquences ultra guimauve. Et alors que Gans tient un visuel très puissant qui fait de la bête un descendant des loups garous et des Dracula de la Hammer, on n’est jamais inquiété par sa présence ni son physique. Il faut dire que les C.G.I. de la créature sont les moins réussis du film. Personnellement, je regrette un peu que le choix d’un maquillage en prothèse n’est pas été envisagé. Les défauts de la créature amoindrissant le visuel général du film. Certaines séquences du  Disney me paraissant même bien plus effrayantes par bien des aspects.

Il y a aussi un vrai souci d’équilibre dans le scénario. On passe quasiment les premières vingt minutes sans voir la bête, et à peine Belle. Du coup, on se tape un film annexe avec André Dussolier en personnage principal. Et quand enfin l’intrigue démarre, il est déjà bien trop tard ! Surtout que Belle n’a pas grand-chose à faire ou à dire durant le film. En réalité, il manque une sorte de fil rouge plus marqué, qui permettrait au personnage d’avoir des objectifs clairs. A défaut, la « trop rapide » histoire d’amour entre Belle et la bête devient très difficile à croire.

Malgré tout, le film a de vraies qualités. Et franchement ça me fait chier de critiquer un film qui a le courage et les ambitions de faire un vrai récit fantastique en langue française avec un travail poussé sur son univers. Si je ne suis pas du tout rentré dans son histoire, j’avoue avoir été assez subjugué par ses décors, son design et son imaginaire. Gans, surtout à travers les flashbacks de Vincent Cassel en humain, prend un parti pris très intéressant par rapport au conte. Lui redonnant un coté plus païen, plus mythologique, presque germanique, avec un dieu de la forêt et des géants de pierre. On sent l’influence des jeux vidéo. On pense beaucoup au dernier Castlevania par exemple, mais aussi au Kaju Eiga, à Guillermo del Toro, ou au Château dans le ciel de Myazaki. Gans a clairement un talent pour mettre en scène un univers cohérent et c’est un des rares réalisateurs français capable de motiver une équipe pour donner corps à ses ambitions. Mais hélas, les séquences les plus puissantes, notamment avec les géants vus dans la bande annonce, sont bien trop courtes et arrivent un peu tard.

Clairement, on est un peu le cul entre deux chaises quant au sort du film. Le cinéma français de genre est tellement mal au point, que voir un film fantastique pour un budget dérisoire par rapport aux blockbusters américains, écraser esthétiquement un Alice de Burton, prouve au moins qu’il possible de faire avec nos moyens des vrais films d’aventure sans en avoir honte. Et ne pas soutenir un projet comme celui-ci, malgré ses très gros défauts, serait irresponsable. Tant un succès public pourrait apporter énormément à un cinéma français qui tourne toujours de plus en plus en rond. Alors mon conseil, c’est d’aller voir le film malgré ses défauts, il vaut clairement l’achat d’un billet, et même si il n’est pas à la hauteur de nos attentes, il a l’avantage de nous redonner un peu d’espoir dans nos capacités à faire du fantastique en France.

Romain Serir